De plus en plus de femmes autochtones s’engagent dans le milieu universitaire


Selon des données de Statistique Canada, les femmes autochtones font davantage d’études postsecondaires que les hommes autochtones. 14 % d’entre elles obtiennent un baccalauréat ou un diplôme de niveau supérieur alors que 8 % des hommes autochtones font de même.

De plus, de nombreuses femmes autochtones se taillent désormais une place importante dans la recherche universitaire au Québec et ailleurs au Canada.

Ce n’est pas surprenant, croit Cyndy Wylde, professeure à l’École de service social de l’Université d’Ottawa et membre de la communauté de Pikogan. Les militantes, celles qui sortent dans la rue, celles qui dénoncent et qui crient haut et fort les injustices, ce sont les femmes.

L’éducation a toujours été une responsabilité importante pour les femmes autochtones, ajoute-t-elle. C’est donc naturel qu’on penche vers ça.

Portrait de Cyndy Wylde.

Cyndy Wylde a travaillé à Service correctionnel Canada avant d’entreprendre des études doctorales.

Photo : Lynn Pavone

Mme Wylde ne croyait pas faire un jour carrière en recherche.

Pendant plus de 25 ans, elle a travaillé à Service correctionnel du Canada. Après avoir pris sa retraite, elle s’est lancée dans des études doctorales sur la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral.

Je voulais comprendre cet enjeu à travers ma vision de femme issue des Premières Nations et aider des organisations autochtones dans la mise en place de solutions, dit-elle.

Également à l’Université d’Ottawa, la professeure métisse et anichinabée Aimée Craft a choisi, elle aussi, la recherche universitaire plus tard en carrière. Alors qu’elle a été avocate pendant 10 ans, elle souhaitait davantage travailler sur les traditions juridiques autochtones.

Je voyais les limites de la pratique du droit et de travailler dans le système canadien par rapport aux droits ancestraux et issus de traités, se souvient-elle.

Aimée Craft.

Aimée Craft est avocate et professeure de droit.

Photo : Aimée Craft

Récemment nommée professeure à la Faculté de droit de l’Université Laval, l’Innue Kathy Bellefleur rêvait quant à elle de réaliser des études supérieures depuis son enfance.

Ça a guidé mon parcours, dit celle qui a dû quitter Nutashkuan, sa communauté, à l’âge de 15 ans pour poursuivre ses études.

Kathy Bellefleur devant un cours d'eau.

Kathy Bellefleur est professeure à l’Université Laval.

Photo :  courtoisie / Kathy Bellefleur

Ça a été difficile, confie-t-elle. C’est le contact avec certains professeurs qui m’ont suivie et qui ont été derrière moi qui a fait une différence.

Contribuer aux communautés

Les trois professeures ne veulent pas que les universitaires soient perçus comme étant cachés dans une tour d’ivoire. Pour elles, leur travail universitaire a des impacts importants et concrets pour leur communauté.

Dans ses études, Mme Bellefleur constate notamment que sa vision du droit, en tant que femme autochtone, diverge de celle de ses collègues.

Nous avons, en tant que femmes autochtones, un point de vue qui est précieux et qui est unique, croit-elle. Ce point de vue a été nourri à partir d’une position qu’on pourrait croire comme désavantagée, mais elle ne l’est pas. On devient plus empathiques, plus soucieuses des autres, plus observatrices, et en recherche, c’est fondamental.

J’ai vu ce que la recherche pouvait amener comme changement social lorsque c’est fait avec rigueur, soutient de son côté Cyndy Wylde.

Mon cadre est différent de celui d’un étudiant qui a d’abord vu la théorie et qui ensuite tombe dans la pratique, moi c’est l’inverse. Pour moi, toutes mes recherches doivent donner du concret, explique-t-elle.

La majorité des femmes autochtones dans le milieu de la recherche sont là pour rendre service aux communautés, constate pour sa part Aimée Craft.

Les chercheuses autochtones ont un très grand sens de responsabilité envers leurs communautés, poursuit-elle. Je vois beaucoup d’entraide et une éthique de partage et de générosité chez les femmes autochtones chercheuses.

Les universités, des institutions coloniales

Être une femme et être autochtone peut représenter néanmoins un défi dans le milieu universitaire, reconnaissent les trois professeures.

Les universités demeurent des institutions coloniales , souligne Mme Wylde. Elle déplore notamment la lourdeur administrative et structurelle au sein des universités.

C’est très bureaucrate, dit Cyndy Wylde. C’est souvent là que je me sens confrontée dans mes valeurs et ma vision des choses.

Les universités n’échappent d’ailleurs pas aux stéréotypes.

Les universités sont des microcosmes de la société, illustre Kathy Bellefleur.

Déjà, en étant une femme c’est plus difficile de percer dans le milieu universitaire, donc être autochtone, ça ajoute une couche de difficulté, ajoute-t-elle. On peut parfois se demander si on est pris aussi au sérieux que les autres.

L’ouverture des institutions est cependant croissante.

Je suis arrivée à un moment où on crée davantage d’opportunités d’autochtonisation dans les universités à la suite du rapport de la Commission de vérité et de réconciliation, affirme Aimée Craft.

Il y a encore beaucoup de travail à faire pour reconnaître les formes de savoir propres aux communautés qui émanent du territoire, des gardiens de savoir ou des aînés, précise-t-elle.

Il y a beaucoup d’efforts qui sont faits dans les dernières années, constate Cyndy Wylde. Est-ce que ça va nous permettre de nous sentir bien dans ces milieux et que ça va augmenter la représentativité des étudiants autochtones dans le postsecondaire? Sincèrement, je pense que oui.



Reference-ici.radio-canada.ca

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