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Autochtones en 2022 : gestes de réconciliation, projets porteurs... et encore du racisme

Une mosaïque de photos illustrant certains des événements importants en ce qui a trait aux enjeux autochtones ayant eu lieu en 2022.

L'année 2022 a été chargée en ce qui a trait aux enjeux autochtones.

Photo : Radio-Canada

L'année 2022 dans le monde autochtone aura été moins tumultueuse que 2021, marquée par la découverte de présumées sépultures anonymes sur les sites d’anciens pensionnats pour Autochtones. Entre la visite du pape et les nombreux efforts menés sur la voie de la vérité et de la réconciliation, Espaces autochtones a revisité les quelque 2000 articles publiés dans ses pages durant les douze derniers mois pour dresser un portrait de l’année.

Événements de l’année

Le pape François aura soufflé le chaud et le froid lors de sa visite de six jours sur l’île de la Tortue, nom donné à l'Amérique par certains peuples autochtones. S’il s’est excusé pour le mal commis dans les pensionnats par de nombreux chrétiens, il ne s’est pas excusé pour le rôle de l'Église. Et s’il a utilisé le mot « génocide » pour qualifier l’expérience des pensionnats pour Autochtones, cette déclaration n’est arrivée qu’à la dernière minute, lors de son vol de retour pour le Vatican.

Le pape François avec une coiffe autochtone.

Le fait qu'on ait offert au pape une coiffe traditionnelle, lors de son passage à Maskwacis, en Alberta, a été mal reçu par certains. Ils soulignent qu'il s'agit d'un objet sacré qui est porté par des membres qui font un travail significatif pour la communauté.

Photo : Reuters / Guglielmo Mangiapane

Certains ont aussi souligné qu’il n’avait pas remis en cause la doctrine de la découverte ayant permis aux colons d’assujettir les Autochtones. L'événement le plus émouvant aura finalement été l’intervention imprévue de Si Pih Ko, une militante qui a chanté en cri sa rage et sa tristesse sur l'air de l’hymne du Canada, et ce, en pleine célébration papale à Sainte-Anne-de-Beaupré.

Sur une note plus sombre, 11 personnes ont été tuées et 18 autres ont été blessées dans une série d'attaques au couteau, dans la Nation crie James Smith et dans le village de Weldon, en Saskatchewan. Le principal suspect, Myles Sanderson, n'avait pas respecté les règles de sa libération conditionnelle, mais il n'était pas activement recherché par la GRC. Il est mort peu de temps après son interpellation.

Des gestes de réconciliation

Selon le nouveau Baromètre de la réconciliation, 42 % des répondants autochtones croient que les relations avec les non-Autochtones sont empreintes de respect mutuel, tandis que 33 % pensent le contraire. Mais la multiplication des initiatives citoyennes et corporatives permet de penser qu’un mouvement est en marche.

Par exemple, les recettes issues des ventes de la couverture emblématique de La Baie d’Hudson seront désormais versées à des initiatives autochtones. Cette couverture a historiquement servi de monnaie d’échange dans la traite des fourrures et comme vecteur de propagation de la variole. La Compagnie de la Baie d’Hudson a aussi décidé d’offrir son bâtiment historique de Winnipeg à l’Organisation des chefs du sud du Manitoba pour y construire quelque 300 logements abordables destinés à des Autochtones.

Vue arienne du magasin de La Baie d’Hudson au centre-ville de Winnipeg.

La Ville de Winnipeg voulait réaménager le bâtiment récemment fermé de La Baie d’Hudson; mais sa taille, son âge et les dépenses connexes remettaient en question la viabilité du projet.

Photo : Radio-Canada / Trevor Lyons radio-canada

Autres gestes signifiants : la redistribution de viande de phoques chassés aux Îles-de-la-Madeleine à des Inuit vivant à Montréal et à Ottawa, la restitution d’une pierre sacrée (la pierre Manitou) en Alberta, le projet de décolonisation des archives photographiques du Grand Nord, l’ajout du drapeau des Mississaugas de Credit dans la salle du conseil municipal de la municipalité et le pain bannique disponible aux patients autochtones dans un hôpital de Montréal. Sans oublier le Manitoba, qui envisage d'autoriser l’usage des noms traditionnels autochtones pour les enfants et des actions symboliques d'ordre toponymique à Toronto et sur l'Île-du-Prince-Édouard.

Le racisme persiste

Si le gouvernement Legault refuse toujours de reconnaître l’existence actuelle de racisme systémique au Québec, certains événements révèlent des problèmes de fond. Ainsi, selon un rapport récent, plus de 55 personnes issues des Premières Nations et Inuit ont vécu une expérience de stérilisation imposée ou de violence obstétricale entre 1980 et 2019.

La professeure Basile.

Selon l'étude de la professeure de l'UQAT, Suzy Basile, la plus jeune femme stérilisée avait 17 ans.

Photo : Gracieuseté : Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)

À Manawan, en Mauricie, les longs délais pour transporter en ambulance un bambin de sept mois vers l’hôpital ont eu un impact dans le décès de l’enfant, selon la coroner. Depuis 1998, au moins trois coroners ont fait des recommandations pour que ce genre de problème cesse dans cette communauté atikamekw établie à environ 90 km au nord de Saint-Michel-des-Saints.

Le système carcéral incarne le néocolonialisme moderne, tandis que la carte de statut d’Indien serait aussi une importante source de racisme, selon deux rapports pancanadiens sortis cette année. Quant aux enfants autochtones disparus depuis des dizaines d'années après être passés dans le système hospitalier, l'association Awacak en a déjà recensé plus de 100 et poursuit sa quête de témoignages dans les communautés du Québec.

Parmi les autres exemples les plus médiatisés : ce grand-père et sa petite fille de 12 ans injustement menottés dans une succursale de la BMO à Vancouver après avoir tenté d’ouvrir un compte bancaire. Ils ont finalement été indemnisés. Au Québec, la famille de Joyce Echaquan, morte à l'hôpital de Joliette, déposera une poursuite civile contre l'hôpital et veut pousser le gouvernement Legault à adopter le Principe de Joyce visant à garantir aux Autochtones le droit à un accès équitable aux services sociaux et de santé. Au Manitoba, c'est l'arrestation d'un présumé tueur en série de femmes autochtones qui retient l'attention.

La discrimination peut aussi toucher les réseaux sociaux comme l’a découvert une ancienne députée du Nunavut, censurée après avoir partagé des images de chasse au morse et souligné son goût pour cette viande.

Briser le plafond de verre

Même si les obstacles à la pleine participation des Autochtones à la société canadienne sont encore grands, certains finissent par tracer leur chemin et deviennent indirectement source d’espoir.

Le 1er septembre, l’Abénakise Michelle O'Bonsawin est devenue la première femme autochtone juge à la Cour suprême du Canada. Elle a indiqué qu’elle ferait de la surjudiciarisation des Autochtones l’une de ses priorités.

Michelle O’Bonsawin en tenue de juge à la Cour suprême du Canada.

Michelle O’Bonsawin est née en Ontario, mais elle est membre de la communauté d'Odanak.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Quelques semaines plus tôt, le Wendat Jocelyn Paul est devenu le nouveau commandant de l'Armée canadienne, l’Anishinabe Claudette Commanda a été nommée chancelière de l’Université d’Ottawa, tandis que le Dr Alika Lafontaine (aux origines métisses, ojibwées et cries) devenait président de l'Association médicale canadienne.

Sur la scène politique, l’Innue Kateri Champagne Jourdain est la première femme autochtone au Québec à accéder au poste de ministre, tandis que Cathy Merrick est devenue la première femme cheffe de l'Assemblée des chefs du Manitoba. Dans le monde du sport, trois athlètes ont porté haut les couleurs de leurs communautés aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin.

La justice pas toujours réparatrice

Même si le Tribunal canadien des droits de personne a ordonné en 2019 au gouvernement fédéral d'indemniser les enfants et les familles lésés par le système de protection de l’enfance, pas facile de trouver une entente. L’accord de 40 milliards $ trouvé cet été a été suspendu cet automne. Les parties doivent retourner à la table de négociation, même si Ottawa a fait appel de la décision du tribunal.

Pour rendre la justice pénale plus équitable pour les Autochtones et les Noirs, Ottawa veut changer le Code criminel et la Loi sur les drogues. Mais cela ne va pas assez loin, selon l'ancien juge et ancien sénateur Murray Sinclair. En outre, peu d’agents correctionnels suivent des formations sur les réalités autochtones.

Murray Sinclair.

Murray Sinclair a dirigé la Commission de vérité et réconciliation de 2009 à 2015.

Photo : (Tyson Koschik/CBC)

Certains dossiers trouvent toutefois une issue positive. L’ancien député abénakis Alexis Wawanoloath devrait recevoir 20 000 $ de compensation pour discrimination raciale de la part d'Industrielle Alliance, qui avait refusé d’assurer son auto.

De leur côté les Mères mohawks sont arrivées en Cour à faire stopper des travaux menés à l’ancien hôpital Royal-Victoria, où se trouveraient d'anciennes tombes. Un tribunal spécial pourrait par ailleurs se pencher sur d’éventuelles tombes anonymes sur le site d’anciens pensionnats. Jusqu’ici, plus de 1300 d'entre elles ont été détectées.

Parmi les dossiers non réglés, signalons le cas des délais judiciaires au Nunavik, où près de 1500 individus demandent 294 millions $ de réparations. Ils ont toutefois plus de chances d’obtenir justice que ceux qui demandent au gouvernement français d’extrader le père Rivoire, accusé d'agressions sexuelles sur de jeunes Inuit il y a une cinquantaine d’années.

Quand la culture s'en mêle

Le peuple invisible, cher à Richard Desjardins, est-il en train de trouver la place qu’il mérite dans la culture québécoise? On peut le penser en regardant notamment la programmation télévisuelle.

De la série Pour toi Flora sur les pensionnats (660 000 spectateurs par épisode), au documentaire Laissez-nous raconter qui brosse un portrait inédit des 11 nations autochtones de la province (1er épisode vu par 130 000 personnes), en passant par la mise en ondes d’une nouvelle émission de radio de musique 100 % autochtone (Minotan!), plusieurs initiatives sont venues apporter une touche de diversité à la télévision et à la radio de Radio-Canada.

Mais le fossé à combler reste grand, comme le soulignait le journaliste innu Michel Jean au rappeur algonquin Samian à l’émission L’autre midi à la table d’à côté. Selon M. Jean, les livres d’histoire à l’école insistent trop sur le folklore autochtone et contribuent ainsi à perpétuer les préjugés, en plus d’être muets sur les pensionnats.

Samian a de son côté souligné que ses nombreuses visites dans les écoles du Québec lui avaient fait réaliser que les ados en savent moins sur la Loi sur les Indiens que sur l’apartheid, alors que la loi canadienne a pourtant inspiré les Sud-Africains au tournant des années 1940.

Écoutez la discussion entre Samian et Michel Jean

Autre dossier chaud, celui de la langue : selon les dernières statistiques, le nombre de personnes qui parlent des langues autochtones diminue au Canada. Si certains événements comme Cégeps en spectacles ont fait œuvre utile en autorisant désormais les langues autochtones, le Festival international de la chanson Granby s’est distingué en insistant pour que le rappeur anishinabe Samian chante essentiellement en français.

Aussi dans le rétroviseur : une œuvre à la mémoire des victimes des pensionnats est couronnée au World Press Photo et deux sœurs inuit de Yellowknife posent pour le magazine Vogue. .

L’économie, moteur de réconciliation

Même si les Autochtones sont moins riches et moins vieux que le reste de la population, cela ne les empêche pas de multiplier les initiatives.

À Vancouver, la Première Nation Squamish a entrepris un mégaprojet immobilier de 11 tours d’habitations totalisant 6000 logements. À Montréal, les Cris participent à un projet de tour à condos comptant 25 étages à l’entrée du centre-ville. Ils ont aussi célébré les 40 ans de leur compagnie d’aviation, Creebec, qui compte une vingtaine d’avions et 350 employés.

Billy Diamond, les bras ouverts, sourit devant un petit avion orange.

Le grand chef cri Billy Diamond devant un des premiers avions d'Air Creebec, un Twin Otter, le 13 avril 1989.

Photo : Getty Images / Colin McConnell

Les nations les plus dynamiques ont toutes ciblé au moins un secteur de prédilection. En Nouvelle-Écosse et en Gaspésie, les Mi'kmaq comptent sur la pêche et se battent pour leurs droits, tandis qu'au Québec les communautés de Kahnawake et de Wôlinak misent sur le jeu (casino et jeu en ligne) pour financer les services communautaires. Ailleurs dans la province, les Anishinabeg et les Wendat se sont tournés vers le tourisme et construisent des hôtels.

Que ce soit au Yukon ou ailleurs, plusieurs des communautés tentent aussi d’assurer leur autonomie énergétique en se tournant vers des énergies vertes, comme la Première Nation Heiltsuk, en Colombie-Britannique, ou la Première Nation de Cowessess, en Saskatchewan, qui héberge désormais 33 000 panneaux solaires.

Les Premières Nations étant souvent incapables de protéger leurs investissements avec des assurances, un projet novateur ébauché par l'Autorité financière des Premières Nations est suivi avec intérêt.

Politique et territoire

Vingt-cinq ans après l’arrêt Delgamuukw, qui a contribué à faire reconnaître les droits de nations autochtones sur leurs territoires ancestraux, rien n’est gagné : la répression de la contestation des Wet'suwet'en face à un projet de gazoduc en est un exemple. L’instauration d’un centre indépendant chargé de gérer les contestations territoriales permettra-t-elle des avancées?

En attendant sa mise en place, plusieurs nations se sont entendues malgré tout avec le gouvernement. La Première Nation crie de Muskeg Lake en Saskatchewan a reçu 127 millions $ et pourra acquérir jusqu’à 9000 acres de terres pour remplacer celles accaparées par l’État fédéral en 1919. Des ententes similaires ont été signées en Alberta avec la Première Nation des Siksika (de 1,3 milliard $), de même qu'en Ontario avec la Première Nation de Mitaanjigamiing (87 millions $).

Au Québec, plus de 40 ans après la Convention de la Baie James, trois communautés innues espèrent signer un grand traité avec Québec. Il permettrait aux communautés concernées de puiser dans ses quelque 400 pages pour gagner, si elles le désirent, en indépendance face à l'État dans tous les domaines. À l'exception, peut-être, de l'armée et de la monnaie! ont indiqué les chefs concernés.

Un caribou se déplace sur une montagne.

Le caribou des bois (écotype forestier) fait partie des espèces menacées les plus prisées par la population québécoise, selon une étude

Photo : Getty Images

Même si Ottawa a annoncé la mise en place du programme des Gardiens autochtones visant à assurer la surveillance et la sauvegarde écologique d'une partie du territoire, certaines communautés choisissent la voie des tribunaux face à l’urgence écologique et à l’inaction politique. Ainsi les Innus de Pessamit ont mis en demeure Québec et Ottawa d’agir face au déclin du caribou. Plusieurs autres communautés suivent ce dossier de près.

Autres faits notables sur la scène politique, la communauté atikamekw d'Opitciwan est devenue la première communauté autochtone au Québec à être totalement autonome en matière de protection de l’enfance, tandis que la cheffe de l’Assemblée des Premières Nations a échappé de peu à une sorte de putsch durant l’été.

Passez de joyeuses Fêtes!

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— Soleïman Mellali, rédacteur en chef