Guerre en Ukraine: le conflit s’enlise après six mois
Des experts croient cependant que l’invasion pourrait durer encore longtemps
Six mois après l’invasion russe, le conflit en Ukraine, même enlisé, est loin d’être terminé alors que les forces du Kremlin continuent de vouloir gruger du terrain et que les Ukrainiens n’abandonnent pas le combat.
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«C’est un conflit qui s’enlise, parce que les Russes n’ont pas été en mesure d’aller chercher les objectifs stratégiques qu’ils s’étaient fixés dès le début et qu’ils ont dû les modifier tout au long des six derniers mois pour justifier leur présence», soutient Pierre St-Cyr, colonel retraité et ex-attaché de la Défense canadienne en Russie et en Ukraine.
Depuis le 24 février, jour du début de l’invasion de l’Ukraine, les forces russes ont utilisé ou vu être détruite une très grande partie de leurs ressources, comme leurs chars d’assaut, leurs véhicules blindés ou leurs pièces d’artillerie, affirme l’ancien membre des Forces armées canadiennes.
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«Ils sont obligés d’aller puiser dans des réserves qui datent des années 1960, alors ce sont des véhicules rouillés, avec des canons de qualité douteuse. On ne sait pas s’il va tirer ou exploser», image-t-il.
Mais il est clair que la guerre ne s’arrêtera pas demain et pourrait durer encore plusieurs mois, prévient M. St-Cyr.
«Les Russes continuent leur percée parce qu’ils ne veulent pas perdre leurs acquis qu’ils ont faits dans les six derniers mois, et ils vont continuer la guerre», soutient-il.
Russes plus équipés
Malgré tout, les forces restent très déséquilibrées, estime de son côté Michel W. Drapeau, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et colonel à la retraite.
«Les Russes ont 10 fois plus d’équipement et de capacité stratégique contre l’Ukraine», explique-t-il.
Mais les Ukrainiens restent des adversaires redoutables dans ce conflit, ne laissant aucune chance à leurs ennemis de gagner du terrain facilement.
«Tout pourrait changer du jour au lendemain, car les Ukrainiens ont réussi à détruire dans les dernières semaines un bon nombre d’installations stratégiques», ajoute M. Drapeau, qui pense que le conflit durera encore plusieurs mois.
Le moral des Ukrainiens
Après six mois de guerre, le moral des Ukrainiens semble tenir bon, comparativement à celui des Russes, estiment des experts. «Tant que le moral est bon, comme il l’est en Ukraine, c’est presque impossible de battre un ennemi parce qu’il va se battre jusqu’à la fin, et les Russes sont en train d’apprendre à faire face à la force des Ukrainiens», pense Michel W. Drapeau, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et colonel à la retraite.
Pour Pierre St-Cyr, c’est surtout que le pays de Volodymyr Zelensky se prépare depuis de nombreuses années à combattre Vladimir Poutine, en plus d’être très nationaliste. «Cette motivation va perdurer aussi longtemps que la guerre va durer et va même s’intensifier lorsqu’ils vont se frustrer de voir les Russes faire des atrocités chez eux», explique-t-il.
Plus dur pour les russes
Du côté des Russes, la situation semble plus difficile que chez les Ukrainiens puisque les nouvelles du front indiquent que les soldats sont «mal nourris et mal équipé», estime Michel W. Drapeau.
Les rangs russes subissent également le manque de personnel et donc de relève fraîche, explique Pierre St-Cyr. «Il est estimé que le tiers des forces russes engagées depuis février ne sont plus en mesure de combattre [...]. Ça a un impact sur la société russe qui les voit revenir dans cet état. Les Russes ne sont pas dupes», affirme-t-il.
Difficile pour les civils
Depuis le début du conflit, près de 14 millions de civils ukrainiens ont été contraints de quitter leur foyer, selon les dernières données du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Un peu plus de 4,7 millions de personnes ont traversé la frontière pour rentrer au pays.
«La vie reprend, les magasins, cinémas et restaurants sont ouverts. Évidemment la vie est plus facile pour ceux qui ont gardé un revenu, mais pour ceux qui ont fui, c’est sûrement plus difficile», estime Daniel Yourkevich, qui n’a jamais quitté la ville d’Odessa.
De son côté, Olena Chychkan, 18 ans, attend avec une partie de sa famille en Pologne pour pouvoir rentrer chez elle. «J’espère que l’on pourra bientôt être à la maison. Tout ira mieux après notre retour et après la victoire [de l’Ukraine]», confie-t-elle.
Crimes de guerre
En mai, l’Ukraine a affirmé avoir recensé des milliers de «crimes de guerre», depuis que le conflit a débuté le 24 février. Pour plusieurs experts, il faut s’attendre à ce que ce nombre augmente considérablement, étant donné que la guerre est loin d’être finie.
«Tant qu’elle continuera, ces crimes continueront aussi. C’est indéniable», affirme Pierre St-Cyr, colonel retraité et ex-attaché de la Défense canadienne à Moscou et à Kyïv. Pour lui, il est plus qu’important que tout soit minutieusement documenté pour que les coupables puissent être jugés lorsque le temps sera venu.
De son côté, le major retraité Michael Boire rappelle qu’il faut faire attention aux campagnes de désinformations venant de la Russie, de l’Ukraine, mais aussi de l’ OTAN, une organisation politico-militaire. «Il est sûr et certain que les Ukrainiens aussi ont commis des crimes», prévient-il.
- Écoutez l’entrevue d’Alexandre Moranville avec Michel Roche, Professeur en Science politique à l’Université du Québec à Chicoutimi et spécialiste de la Russie sur QUB radio :