Depuis le 21 juillet, l’Inde a interdit l’exportation de riz blanc non basmati. En conséquence, le prix de cette denrée n’a jamais été aussi élevé. Selon une experte, cette décision est motivée par le droit à la sécurité alimentaire.

Que se passe-t-il au juste ?

Le 21 juillet, l’Inde a décidé d’interdire l’exportation de riz blanc non basmati. Cela, dit-on, dans le but d’assurer l’approvisionnement intérieur et ainsi ne pas exercer de pression sur les prix pour ses habitants. Dans la dernière année, le pays a perdu de précieuses récoltes en raison d’évènements climatiques extrêmes, notamment des pluies diluviennes et des sécheresses.

Donc, l’Inde prend soin de ses habitants ?

C’est ce que croit Jessica Dufresne, avocate, doctorante en droit et spécialiste de la sécurité alimentaire. « L’Inde privilégie sa sécurité alimentaire nationale, dit cette experte qui enseigne à l’Université d’Ottawa. C’est bien beau, exporter, c’est bon pour l’économie. Mais le pays a beaucoup de gens à nourrir. » Selon elle, d’autres États pourraient aussi opérer un tel repli. « Ce n’est pas une mauvaise chose, dans une certaine mesure, poursuit-elle. Je ne dis pas qu’il faut arrêter tout commerce international, mais c’est sûr qu’il va falloir privilégier une sécurité alimentaire nationale pour que tout le monde ait suffisamment de ressources. »

Est-ce une nouvelle façon d’agir de l’Inde ?

Non, répond Mme Dufresne. « Le pays a plusieurs programmes pour répondre à son souci de sécurité alimentaire, dit-elle. On fournit des repas à l’école pour tous les enfants, on donne des cartes de rationnement aux veuves, aux personnes âgées, etc. Dans le passé, la Cour suprême a tapé plusieurs fois sur les doigts de l’État en disant que le droit à l’alimentation faisait partie de la Constitution. Et qu’il faut prendre les engagements nécessaires pour le protéger. »

Cela dit, quel est l’impact de la récente décision de l’Inde ?

Sans surprise, il y a une incidence immédiate sur les prix. Un récent article du quotidien britannique The Guardian indique que le prix de cette denrée a atteint un sommet dans les cinq dernières années, à savoir entre 421 et 428 $ US la tonne métrique. En fait, les prix augmentent depuis plusieurs mois. L’autre impact est que cela crée une rareté et une course aux stocks. Des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux montrent des gens vidant les étalages de riz dans des magasins, aux États-Unis.

L’Inde est donc un grand exportateur de riz ?

En fait, c’est le plus grand exportateur au monde avec 40,5 % du marché. L’Inde est suivie de la Thaïlande (15,3 %) et du Viêtnam (13,5 %). Pour l’exercice fiscal 2022, les exportations de riz non basmati équivalaient à 6,12 milliards US, comparativement à 4,8 milliards en 2021, indique un tableau de Statista. Pour le riz basmati, la valeur était de 3,54 milliards en 2022 et 4,02 milliards en 2021. Avant 2021, la valeur des exportations indiennes de riz était supérieure pour le riz basmati à celle du riz non basmati. Le vent a tourné en 2021.

Donc, plusieurs pays seront touchés ?

En effet, l’Inde exporte du riz dans quelque 140 pays. Le Bénin, le Bangladesh, l’Angola, le Cameroun, Djibouti, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Népal sont des clients importants. L’Iran, l’Irak et l’Arabie saoudite sont des acheteurs de riz basmati.

PHOTO RAJENDRA JADHAV, ARCHIVES REUTERS

Ouvriers déchargeant un camion de son stock de riz destiné à l’exportation, au port de Kakinada, en Inde, en septembre 2021

Le Canada est-il client de l’Inde ?

Oui. Le Canada importe des dizaines de milliers de tonnes métriques de riz indien chaque année. En 2022, les importations ont atteint 88 229 tonnes métriques, selon Statistique Canada. Par contre, c’est des États-Unis que nous importons le plus de riz, à savoir 244 599 tonnes métriques en 2022. Le Canada exporte aussi du riz, soit 20 903 tonnes métriques en 2022.

Quelle est la situation au Québec ?

La situation est pour le moment calme, mais sous surveillance. Chez Aliments Sada inc., un important importateur d’aliments qui les revend en supermarché, le directeur général Abdul Habib indique que l’entreprise n’est pas touchée. « Heureusement, nous n’importons pas de riz de l’Inde, indique ce dernier, dont l’entreprise achète annuellement 600 tonnes de riz. Nous achetons notre riz [basmati] du Pakistan et d’autres types de riz d’ailleurs dans le monde. » De son côté, Goppy Sandhu, propriétaire des restaurants India Rosa et Sandhu sur le Plateau Mont-Royal à Montréal, dit suivre attentivement la situation. « On vient d’acheter une grosse commande sans être affecté. Mais la situation peut changer rapidement et les prix partir à la hausse. »

En savoir plus
  • 40 000
    Nombre de variétés de riz dans le monde
    Source : Christina Blais, « Le tour du riz blanc », sur le site Ricardo Cuisine