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Personnes sans-abri : le tribunal suspend 1600 mandats d’emprisonnement à Gatineau

Un véhicule récréatif entouré de débris et de contenants est stationné aux abords d'un petit bois près de l'autoroute 50 à Gatineau.

Les personnes en situation d'itinérance visées par un mandat d'emprisonnement ont obtenu un sursis de la part de la Cour supérieure.

Photo : Radio-Canada / Raphael Tremblay

Nouvel épisode judiciaire dans le dossier des personnes en situation d’itinérance sur qui pesaient des mandats d’emprisonnement pour non-paiement d’amendes. La Cour supérieure du Québec a accédé à la demande de la Ville de Gatineau de suspendre 1669 mandats pour 180 jours afin que celle-ci procède à leur analyse.

Je veux souligner que ce qui motive la Ville [de Gatineau], c’est le souci de poser le bon geste dans la perspective de protéger les personnes vulnérables, a déclaré dans sa plaidoirie le procureur de la Ville, Me Vincent Rochette, du cabinet montréalais Norton Rose Fulbright.

Dans une réponse écrite envoyée en fin de journée lundi, la Ville de Gatineau s’est dite satisfaite de la décision du tribunal et dit vouloir prendre le temps d’analyser la situation.

Depuis juin 2020, des centaines de mandats d’emprisonnement ont été lancés séance tenante par des juges de la Cour municipale de Gatineau, sans que les personnes concernées ne soient représentées ni présentes devant la Cour. La Ville elle-même a suggéré devant la juge Catherine Mandeville qu’il y avait fort à parier que la plupart de ces mandats soient entachés de vices procéduraux les rendant illégaux.

Une enseigne de l'édifice Jos-Montferrand, à Gatineau.

L'édifice Jos-Montferrand, à Gatineau ( Photo d'archives)

Photo : Dereck Doherty

Au moins 309 personnes en situation d’itinérance ont été identifiées, sur les 1126 personnes visées par un mandat d’emprisonnement, une personne pouvant à elle seule cumuler plusieurs mandats.

C’est dans cette perspective que la Ville de Gatineau souhaitait obtenir une suspension desdits mandats, une situation qualifiée une fois de plus d’inédite par la juge Mandeville ce matin.

Une demande d’action collective a d’ailleurs été déposée pour dédommager les personnes en situation d’itinérance qui ont fait l’objet d’un mandat d’emprisonnement pour non-paiement d’amendes municipales.

Au cours des prochains mois, la Ville devra analyser pleinement les circonstances et les enjeux soulevés par l’action collective non seulement afin de répondre à la demande d’autorisation, mais également afin de poser tout geste utile et opportun qui serait requis de sa part, souligne la demande de la Ville.

Un excès de compétence?

Les avocats de la Ville de Gatineau ont ainsi déposé une demande d’émission de bref de certiorari, assortie d’une demande de sursis concernant lesdits mandats d’emprisonnement. Une demande en certiorari vise à évaluer si le juge d’un tribunal inférieur, ici la Cour municipale de Gatineau, a commis un excès de compétence dans une décision rendue contre un justiciable.

La présente demande d’émission d’un bref de certiorari jouit, à tout le moins, d’une apparence de droit, considérant notamment : que les mandats d’emprisonnement ont été délivrés alors que les personnes visées par ceux-ci n’étaient ni présentes, ni représentées en salle d’audience devant la Cour municipale [...], peut-on lire dans la demande judiciaire de la Ville.

Cette apparence de droit fait écho aux allégations d’une demande d’action collective déposée le mois dernier à la Cour supérieure de Gatineau. Des avocats y qualifient les mandats d’emprisonnement émis à Gatineau de pratique totalement illégale et de véritable vestige de l’ère de Dickens.

Cette demande d’action collective critique le processus de traitement de ces dossiers en bloc deux fois par année, sans même que ne soit dressé un procès-verbal. Cette demande est portée conjointement par les cabinets Kugler Kandestin, à Montréal, et JFB Avocats criminalistes, à Gatineau.

C’est cette manière de procéder alléguée qui est au cœur de la demande de la Ville de Gatineau, qui sera entendue au fond l’automne prochain. Aucune date d’audience n’a encore été déterminée.

Une bonne décision, selon une experte

Selon les informations disponibles, auxquelles la juge Mandeville a fait référence au cours de l’audience de lundi, le nombre de jours d’emprisonnement à imposer aux personnes concernées semble toujours calculé avec un système informatique, sans contrôle judiciaire en salle d’audience.

Marie-Ève Sylvestre.

Marie-Ève Sylvestre, professeure et doyenne de la faculté de droit à l'Université d'Ottawa.

Photo : Radio-Canada

Pour Me Marie-Ève Sylvestre, doyenne de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, cette décision de la Cour supérieure était nécessaire. C’est une excellente décision de suspendre l’application de ces mandats d’emprisonnement qui vise des personnes en situation d’itinérance. Ces mandats n’auraient jamais dû être lancés depuis 2020 en raison de la modification législative, lance-t-elle. 

Je pense que c’est un excellent pas en avant que la Ville reconnaisse qu’il y a des vérifications qui auraient dû être faites et n’ont pas été faites. On va rectifier le tir et s’assurer que les mandats ne soient pas demandés par les percepteurs et imposés par la Cour municipale que lorsque les personnes refusent vraiment de payer et non lorsqu’elles sont dans l’incapacité de le faire.

Une citation de Me Marie-Ève Sylvestre, doyenne, Faculté de droit de l’Université d’Ottawa

Pour l’experte, il est fort probable que la Cour supérieure conclut ultimement que la Cour municipale de Gatineau a effectivement commis un excès de compétence. Il faut [analyser] chacun des dossiers, mais ce qui semble ressortir des informations qu’on a jusqu’à présent, qui sont consignées notamment dans la demande d’action collective, c’est que ces mandats-là étaient lancés par bloc, de façon automatique, souvent sans que la loi ne soit respectée, indique Me Sylvestre. 

Il me semble que la loi n’ait pas été respectée et qu’il y ait eu un excès de compétence, conclut l’avocate.

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