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Saisir 26 M$ à un oligarque russe n’est pas un jeu d’enfant, disent des experts

Saisir 26 M$ à un oligarque russe n’est pas un jeu d’enfant, disent des experts
AFP


La saisie effective des 26 millions $ américains appartenant à l’oligarque russe Roman Abramovitch n’est pas garantie, même si Ottawa a confiance d’avoir un dossier solide entre les mains. L’initiative envoie toutefois un «signal», selon deux experts. 

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Le 15 décembre, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a déposé un décret visant à geler les fonds d’une compagnie qui appartiendrait «directement ou indirectement» à Roman Abramovitch, puis annoncé qu’une requête serait déposée en cour sous 30 jours pour confisquer l’argent et le redistribuer à l’Ukraine.

Les fonds sont placés chez Citco Bank Canada, une banque dont le siège social est aux Îles Vierges britanniques, mais qui possède des bureaux à Toronto et Halifax.

Le défi des avocats du gouvernement sera de prouver au mieux de leurs capacités que le «bénéficiaire ultime» - soit le propriétaire réel des fonds – est bel et bien M. Abramovitch. L’exercice n’est pas gagné d’avance.

«Le fardeau de la preuve est vraiment sur le gouvernement, et c’est là que ça devient plus difficile», puisque «le bénéficiaire ultime n’est pas toujours celui qui est indiqué au registre», a expliqué Marc Tassé, sommité en lutte à la corruption et professeur à l’Université d’Ottawa.

Les oligarques russes, comme bien des criminels et des individus ultrariches, ont recours à tous les subterfuges possibles pour compliquer la vie des enquêteurs financiers, comme les sociétés-écrans, le offshoring et le stratagème de prête-nom.

Il est donc possible que l’argent placé à Citco, même s’il est au nom de Roman Abramovitch, appartienne réellement à quelqu’un d’autre. 

«Beaucoup de personnes ont toujours dit que monsieur Abramovitch serait peut-être juste un prête-nom pour monsieur Poutine», a affirmé M. Tassé.

Ce dernier salue l’opération du gouvernement fédéral, qu’il voit comme «le début d’un long processus» qui devrait «trainer longtemps». «Au moins une année, c’est certain. Ça va être long.»

Shuvaloy Majumdar, un associé de l’Institut Macdonald-Laurier qui a travaillé comme directeur des politiques aux Affaires internationales pour le gouvernement Harper, a expliqué qu’il est «toujours très difficile de prouver quels biens appartiennent à quel oligarque».

L’élaboration d’un dossier aussi complexe et l’accumulation de preuves, expliquent sans doute pourquoi il y a eu un délai de neuf mois entre l’annonce des sanctions contre le milliardaire russe, en mars, et la nouvelle requête, croit M. Majumdar, qui a travaillé à l’élaboration du régime de sanctions canadien.

«Je me rappelle à quel point c’était difficile d’imposer des sanctions sur des individus et des entités quand j’étais au gouvernement», a-t-il expliqué. «J’ai beaucoup de difficulté à croire que le gouvernement aurait annoncé cette opération sans avoir un dossier solide pour saisir ses biens.»

«Ils ne veulent pas utiliser les fonds publics pour qu’à la fin on leur dise qu’ils n’ont pas bien fait leur travail», a ajouté Marc Tassé.

Pour lui, le choix de Roman Abramovitch comme première cible des sanctions n’est pas un hasard : «c’était connu de tout le monde qu’il avait des intérêts ici au Canada», a-t-il dit. Et puis, l’homme est le plus en vue parmi les oligarques russes. S’en prendre à lui envoie un «signal» comme quoi le Canada est prêt à agir.

Avec une liste de plus de 1500 personnes et entités sanctionnées depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, pourrait-on s’attendre à une avalanche de saisies de ce genre?

C’est ce que souhaite M. Majumdar, mais c’est une perspective improbable à court terme, étant donné les ressources importantes requises pour poursuivre ce genre de dossiers devant la cour, estime M. Tassé.

Dans une déclaration envoyée par courriel, une porte-parole de Citco a dit que la banque ne peut «faire des commentaires sur [ses] clients - passés ou présents - ou leurs investisseurs sous-jacents», mais qu’elle a «mis en place des processus de filtrage robustes pour analyser [ses] systèmes afin d'identifier toute partie sanctionnée et de faire rapport aux autorités compétentes, le cas échéant».

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