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Entente «historique» ou «mascarade»: l'accord conclu à la COP28 de Dubaï divise grandement

Certains soulignent ses avancées alors que d'autres sont amèrement déçus

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AFP


Les pays du monde entier réunis à Dubaï pour la COP28 ont conclu un accord «historique» pour abandonner progressivement les énergies fossiles, un dénouement autant qualifié «d’ambitieux» par certains que de «mascarade» par d’autres.

• À lire aussi: Les pays du monde entier approuvent à la COP28 une décision historique sur les énergies fossiles

Après deux nuits de négociations dans la plus grande ville des Émirats arabes unis, les quelque 200 nations ont approuvé par consensus le texte qui appelle à «transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques».

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C’est la première fois que les combustibles fossiles sont mentionnés dans un accord final, s’est félicité le président de la conférence, le sultan Ahmed al-Jaber, qui est également dirigeant de la principale compagnie pétrolière des Émirats arabes unis. Il a qualifié d’«historique» le dénouement de la Conférence de Dubaï de 2023 sur les changements climatiques, ou COP28, qui s’était ouverte le 30 novembre dernier.

Cette conférence visait à faire le bilan des objectifs de l’Accord de Paris de 2015. Ce dernier vise à limiter le réchauffement à 1,5 °C, alors qu’un rapport publié en septembre a signalé que le monde était loin d’être sur cette trajectoire.

«Vague et imprécis»

Malgré cette avancée, de nombreux participants repartent de Dubaï avec un goût amer, car le langage dans l’accord ne va pas aussi loin que ce qu’ils auraient espéré. En effet, plus d’une centaine de pays, dont le Canada et des milliers d’ONG, se sont battus pour y inscrire la «sortie» (phase-out) du pétrole, du gaz et du charbon.

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Une source proche de la présidence émiratie a confié à l’AFP que le texte a été finement «calibré» pour tenter de réconcilier des points de vue opposés, et notamment éviter un blocage de l’Arabie saoudite. Chacun a pu y trouver son compte grâce à l’ambiguïté laissée volontairement dans les formulations.

L’expression retenue, celle de «transitionner», donne trop de marge de manœuvre aux pays les plus laxistes, s’inquiète Lynda Hubert Ta professeure à l’Université d’Ottawa, spécialiste du droit de l’environnement qui revient tout juste de la conférence internationale.

«On serait capable de créer de nouvelles exploitations [de pétrole] sans dire qu’on est en train de ne pas respecter les engagements pris à la COP28. N’importe quel État pourrait dans son bilan à la prochaine COP dire qu’il a respecté l’engagement tellement il est vague et imprécis», déplore-t-elle.

«Cette COP-là, mon sentiment en rentrant, c’est que c’était une mascarade. On s’en serait passé, vraiment», poursuit la professeure.

De son côté, le ministre canadien de l’Environnement, Steven Guilbault, a qualifié l’accord de «monumental», alors qu’une délégation canadienne de 700 personnes dont il faisait partie s’était déplacée à Dubaï.

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, qualifie l’accord de «nettement insuffisant», mais a salué plusieurs avancées dans celui-ci.

«Il y a quand même des objectifs ambitieux de tripler les énergies renouvelables et de doubler l’efficacité énergétique pour 2030. Il y a aussi les premières contributions financières dans le fonds pour couvrir les pertes et dommages causés par les changements climatiques et qui affectent les populations vulnérables.»

Un compromis nécessaire

De son côté, Alexandre Lillo, professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM, souligne qu’il doit forcément y avoir un compromis dans des négociations qui impliquent des États dont l’économie tourne autour des énergies fossiles.

«Quand vous êtes avec cinq ou six amis et que vous voulez décider où aller souper, des fois ça prend des efforts parce qu’un veut de la pizza et l’autre des ramens. Imaginez-vous maintenant qu’on parle d’enjeux financiers, sociaux et humains de grande envergure et 196 personnes de différents pays dans la salle.»

–Avec l'AFP

Des milliards et plus d’énergie verte

Au-delà de l’enjeu central des énergies fossiles, l’accord de la COP28 compte plusieurs autres engagements. Les parties prenantes du sommet mondial ont notamment mobilisé plus de 83 milliards pour financer différents fonds «d’action climatique» à travers le monde. Elles s’engagent également à tripler l’énergie renouvelable et à doubler l’efficacité énergétique pour 2030. Le texte veut également accélérer l’utilisation de technologies bas ou zéro carbone, comme la séquestration du carbone.

Un président et un hôte controversés

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La COP28 n’était même pas commencée que les critiques fusaient de toutes parts sur son organisation. En plus de se tenir aux Émirats arabes unis, dont l’économie tourne autour de sa vaste réserve de pétrole qui est la septième plus importante au monde, la conférence était présidée par le sultan Ahmed al-Jaber. Ce dernier se trouvait alors en conflit d’intérêts selon des ONG, puisqu’il est également directeur de l’ADNOC, principale compagnie pétrolière des Émirats arabes unis, et ministre de l’Industrie de son pays.

Présence record de l’industrie pétrolière

L’industrie mondiale du pétrole était bien préparée à se battre lors de cette COP où les énergies fossiles se trouvaient au centre des débats. La coalition d’ONG Kick Big Polluters Out a recensé 2456 lobbyistes représentant cette industrie, soit quatre fois plus qu’à la COP27. Selon la professeure Lynda Hubert Ta, qui était présente à la COP28, l’événement avait plus que jamais les allures de «foire commerciale» alors que les kiosques d’entreprises notamment liées aux énergies fossiles pullulaient.

Adopté sans les plus menacés

L’Alliance des petits États insulaires (Aosis), qui représente 39 pays, dont Cuba, Haïti et les îles Fiji, a déclaré que l’accord de la COP28 a été entériné sans elle. «Nous sommes un peu confus: vous venez de donner le coup de maillet et l’Alliance n’était pas dans la salle», a déclaré sa présidente Anne Rasmussen. Ces pays regroupés, particulièrement menacés par les changements climatiques entre autres à cause de la hausse du niveau des océans, ont déploré que le texte était «inadéquat» pour sauver leur sort.

Guilbeault jouait un rôle clé

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Le ministre canadien de l’Environnement, Steven Guilbeault, faisait partie des facilitateurs nommés par la présidence émiratie de la COP28 et formait un duo avec son homologue égyptienne pour discuter des moyens de mise en œuvre, touchant notamment aux énergies fossiles. Le Canada était en faveur d’une sortie progressive des énergies fossiles, un changement de cap par rapport à la COP27 tenue en 2022, où M. Guilbault avait refusé de soutenir la réduction du pétrole et du gaz.

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