(Ottawa) Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, doit débloquer le fondateur de Rebel News, Ezra Levant, sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter, selon une ordonnance du tribunal.

L’ordonnance rendue par le juge Russel Zinn, de la Cour fédérale, met fin à une action intentée par M. Levant il y a deux ans, affirmant que le ministre libéral violait ses droits constitutionnels en le bloquant sur le réseau social.

M. Levant a soutenu que son incapacité à voir ou à répondre aux messages de M. Guilbeault sur la plateforme limitait sa capacité à s’engager dans un débat sur des questions d’intérêt public.

Les avocats chargés de l’affaire ont écrit au juge Zinn le 7 septembre pour consentir à une ordonnance qui résoudrait l’affaire.

L’ordonnance indique que les parties reconnaissent que M. Guilbeault et le gouvernement fédéral « n’admettent et nient, en fait, toute responsabilité à l’égard des allégations formulées dans la demande ».

Toutefois, en vertu de cette ordonnance, le ministre doit s’assurer que son compte X débloque M. Levant immédiatement et aussi longtemps que M. Guilbeault restera député.

Le tribunal a également ordonné au gouvernement de payer 20 000 $ pour les frais juridiques de Rebel News.

La question en litige dans cette affaire était de savoir si le compte X du ministre Guilbeault devait être considéré comme un compte personnel sur les réseaux sociaux ou comme un compte officiel du gouvernement.

Dans un affidavit déposé auprès du tribunal, Tracey Headley, responsable du Secrétariat du Conseil du Trésor, a déclaré que Service Canada avait confirmé que le compte en question n’était pas un compte de réseau social officiel du gouvernement du Canada.

M. Levant a soutenu dans l’avis initial de requête au tribunal que le compte de M. Guilbeault avait tous les attributs d’un compte officiel géré par l’État, ajoutant que son contenu était de nature publique.

L’avis indique que la liberté d’expression protégée par la Charte des droits et libertés inclut le droit dérivé d’accéder aux informations gouvernementales lorsque cela est nécessaire pour s’exprimer de manière significative sur le fonctionnement du gouvernement.

Un dossier fédéral dans cette affaire souligne que dans divers messages sur Twitter, alors que M. Guilbeault était ministre du Patrimoine canadien, M. Levant l’avait traité de « cinglé », de « voyou » et possiblement de « ministre le plus stupide d’Ottawa ».

M. Levant a noté dans son mémoire que M. Guilbeault a choisi de le bloquer plutôt que d’utiliser la fonction de mise en sourdine, moins intrusive de la plateforme de médias sociaux, qui permet à un utilisateur de supprimer les publications d’un autre utilisateur de son fil d’actualité sans cesser de suivre ou de bloquer ce compte.

Rebel News affirme avoir une vision du monde généralement conservatrice, présentant le média comme un partisan de la liberté et un antidote aux médias grand public.

Sur le site web de Rebel News, M. Levant a affirmé que l’issue de l’affaire constituait un coup porté à la liberté d’expression.

« Cela peut paraître anodin, mais si Guilbeault peut nous empêcher de recevoir des nouvelles et d’autres informations du gouvernement, que peut-il nous couper d’autre ? », a-t-il évoqué.

Le bureau de M. Guilbeault n’a fait aucun commentaire sur l’ordonnance du tribunal.

Michael Geist, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, qui a suivi l’affaire, affirme que même si l’ordonnance ne confirme pas un droit constitutionnel, elle envoie un signal fort sur l’état du droit.

« Nous savons que les responsables gouvernementaux utilisent ces plateformes tout le temps pour des déclarations officielles et essentiellement pour les affaires du gouvernement, et cela devrait être accessible à tous, a soutenu M. Geist, en entrevue. Il ne devrait pas être laissé à un ministre ou à son personnel de décider qui a accès aux informations accessibles au public sur une plateforme particulière. »

« Je comprends qu’il y a des abus en ligne auxquels personne, ministre ou autre, ne devrait avoir à confronter », a poursuivi M. Geist. Mais étant donné la fonction sourdine de X, « je pense qu’il devient de plus en plus difficile de justifier le blocage pur et simple d’individus », a-t-il ajouté.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor n’a fait aucun commentaire dans l’immédiat sur les implications de l’ordonnance du tribunal.