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Après la Chine, l'Inde: la diplomatie canadienne critiquée pour sa naïveté



La crise diplomatique dans laquelle Ottawa et New Delhi s'enlisent témoigne d'un manque de «sérieux» du Canada face aux enjeux de sécurité nationale et d'ingérence étrangère, selon plusieurs experts.

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Les relations indo-canadiennes, déjà tendues, se sont dégradées encore davantage en début de semaine lorsque le Canada a évoqué l'implication possible du gouvernement indien dans l'assassinat d'un leader sikh en juin près de Vancouver.

«La crise avec l'Inde est un immense, immense dérapage», explique à l'AFP Charles-Philippe David, professeur en études diplomatiques à l'Université du Québec à Montréal, ajoutant qu'Ottawa reçoit des signaux d'alarme depuis «longtemps» concernant l'ingérence étrangère sur son territoire.

Le contexte mondial, «transformé depuis quelques années et accéléré par l'Ukraine», force selon lui le Canada à «choisir ses camps et à prendre des positions plus dures et fermes».

Mais jusqu'ici, le pays est plutôt, selon lui, dans un état de «dormance» qui se traduit par un manque d'ambition, de ressources et de leadership.

«Il faut traiter les relations internationales et la politique étrangère avec beaucoup plus de sérieux qu'on ne l'a fait depuis longtemps», insiste M. David.

Un de ses homologues à l'Université d'Ottawa fait remarquer que le Canada n'a pas revu sa politique étrangère depuis «une ou deux générations».

«C'est un échec de notre gouvernement, peu importe le parti au pouvoir. Nous avons besoin d'une politique de défense appropriée», explique à l'AFP le professeur en affaires publiques et internationales, John Packer.

Ce dernier estime qu'un nombre grandissant d'autocraties exercent désormais leur influence en sol canadien.

«Les gens ici étaient confiants parce qu'entourés par trois océans et un voisin allié au sud», résume-t-il. «Mais ce n'est plus le cas, même ces océans ne servent plus de barricades maintenant».

«Élève poli, gentil»

Les tensions avec l'Inde prouvent, selon le professeur Packer, que «le monde a changé et qu'il est nécessaire de s'y adapter».

«Nous avons peut-être été un peu naïfs et pas assez alertes pour défendre notre souveraineté», poursuit-il.

D'autant plus qu'en dehors l'Inde, Ottawa a également des difficultés avec la Chine.

Les relations entre les deux pays se sont fortement dégradées à partir de 2018 lorsque le Canada a arrêté, à la demande des États-Unis, une haute dirigeante du géant chinois des télécoms Huawei. Deux Canadiens avaient par la suite été arrêtés en Chine, ce qui avait largement été perçu comme des représailles de Pékin. Tous les trois ont depuis été libérés.

Selon l'expert en sécurité nationale et ancien haut responsable du renseignement canadien, Michel Juneau-Katsuya, le Canada se trouve maintenant «à la croisée des chemins».

«On est devenus tellement naïfs en matière de sécurité nationale qu'on frôle la stupidité», lâche-t-il. «Maintenant, ça nous rattrape».

  • Écoutez l'analyse de Luc Lavoie au micro de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :

Celui qui a notamment été chef du bureau Asie-Pacifique au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans les années 1990 affirme que l'ingérence indienne remonte à plusieurs décennies.

Plus tôt ce mois-ci, après des mois de polémiques et d'atermoiements, Ottawa a finalement officiellement lancé une enquête publique sur l'ingérence étrangère, notamment de la Chine.

«Le Canada était un élève poli, gentil. On ne parlait pas fort, on ne tapait pas sur la table, on ne claquait pas les portes», explique M. Juneau-Katsuya. Certains pays, croit-il, ont profité de cette attitude.

L'ancien officier du SCRS estime que l'inaction des gouvernements, tous partis confondus, a mené à la détérioration sévère des relations avec New Delhi.

Selon lui, une prise de conscience collective est nécessaire sur ces enjeux qui bouleversent la diplomatie canadienne. «C'est en train vraiment de miner nos démocraties», estime l'expert.

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