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Contestation de la Loi sur la laïcité de l’État: un des juges s’opposait à la clause dérogatoire

Enseignants
Photo Adobe Stock


À l’époque où il était professeur à l’Université McGill, un des trois juges de la Cour d’appel chargés de se prononcer sur la Loi sur la laïcité de l’État comparait l’utilisation de la clause dérogatoire à «deux autres pouvoirs exorbitants» que le gouvernement fédéral n’oserait plus invoquer.

• À lire aussi: Interdiction des signes religieux: le sort de la Loi sur la laïcité connu jeudi

La clause dérogatoire est au cœur des débats sur l'interdiction des signes religieux pour les employés de l'État en position d'autorité. 

Le procureur général défend son utilisation préventive afin de protéger la loi contre les poursuites devant les tribunaux, tandis que les opposants dénoncent le fait d’y avoir eu recours sous bâillon pour retirer des droits aux minorités.

La Cour d'appel doit trancher en déposant son jugement jeudi prochain.

Pouvoirs extraordinaires

Dans un texte universitaire* paru deux ans avant sa nomination, en 2002, le juge Yves-Marie Morissette donne un aperçu de son opinion à l’époque. Il écrivait que cette disposition de dérogation était peu utilisée depuis les années du gouvernement Lévesque, en raison de ses «conséquences politiques onéreuses».

«Peut-être à très long terme cette disposition tombera-t-elle en désuétude, comme on l’a déjà suggéré, écrivait-il en référence à un autre auteur. En tout cas, l’analogie est tentante avec deux autres pouvoirs exorbitants, le pouvoir de désaveu et le pouvoir déclaratoire.»

Il faut savoir que les pouvoirs «de désaveu» et «déclaratoire» sont deux mécanismes extraordinaires prévus au début de la Confédération afin de permettre au gouvernement fédéral d’intervenir dans les affaires des provinces.

Le premier lui accordait le droit d’annuler une loi provinciale au moment de son adoption. Le second donnait à Ottawa la possibilité d’étendre son champ de compétences, au détriment des provinces.

Ni l’un ni l’autre n’ont été utilisés depuis 1943 et 1961, faute de légitimité.

Hostilité envers la clause

Pour le professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval Patrick Taillon, l’opinion du juge Morissette à l’époque ne fait aucun doute. «Son hostilité à l’endroit de la dérogation est très explicite lorsqu’il se réjouit à la perspective de la voir tomber en désuétude», analyse-t-il.

À l’Université d’Ottawa, le constitutionnaliste Benoît Pelletier note également l’«opinion négative» du juge, particulièrement quand il se réjouit de la voir peu utilisée depuis le gouvernement Lévesque.

Un avis qui n'est toutefois pas partagé par la professeure à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Noura Karazivan, qui y voit plutôt «une analyse» objective de la pratique passée et «un questionnement sur la désuétude potentielle de la clause».

Patrick Taillon et Benoît Pelletier assurent toutefois que de tels propos ne disqualifient pas le juge Morissette, même si tous deux ont témoigné en faveur de l’utilisation de la clause dérogatoire dans le même dossier en Cour supérieure. 

Nommés par Ottawa

Pour Patrick Taillon, l’enjeu réside plutôt dans le fait que les juges de la Cour d’appel sont tous nommés par le gouvernement fédéral, et donc souvent plus enclins à favoriser l’argument des droits individuels protégés par la Charte. 

«Si on fait la comparaison avec un match de hockey, c’est comme si chaque fois que le Canadien de Montréal affronte les Bruins de Boston, les arbitres, depuis toujours, seraient choisis par le directeur général des Bruins», illustre-t-il.

La responsable des relations médias à la Cour d’appel a décliné notre demande de commentaires hier. «Les exigences d’indépendance judiciaire, d’impartialité et de réserve qui s’imposent aux juges nous empêchent de nous prononcer sur le commentaire que vous portez à notre attention», a écrit Caroline St-Pierre.

*(MORISSETTE, Yves-Marie, « Le juge Canadien : légalité, constitutionnalité et légitimité », dans MOSSMAN, Mary Jane et Ghislain OTIS (dir.), La montée en puissance des juges : ses manifestations, sa contestation, Montréal, Institut Canadien d’Administration de la justice, Éditions Thémis, 2000 : 39-65.)

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